Le processus de domination conjugale
Analyser la genèse
d’une position dominante
Le Processus de Domination Conjugale (PDC) est un modèle québécois essentiel, adopté par le Pôle, pour analyser la violence dans les relations intimes. Il s’agit d’une lecture dynamique et systémique qui met en lumière les mécanismes de domination progressive et le contrôle coercitif. Le PDC outille les professionnel·le·s, évalue les risques et ancre un langage commun pour des interventions coordonnées.
Un outil dynamique,
systémique et évolutif
Le PDC se présente comme une photographie à un instant T d’une situation relationnelle dans le cadre d’une relation conjugale. Il ne s’agit pas d’un diagnostic figé, mais bien d’une lecture dynamique et systémique de la relation. Ce modèle met l’accent sur les situations et les dynamiques, et non sur l’étiquetage des individus comme « victimes » ou « auteurs ».
En cela, il s’aligne fortement sur les principes du contrôle coercitif, concept théorisé par le sociologue américain Evan Stark en 2007, qui postule que la violence conjugale ne se résume pas à des actes ponctuels, mais relève d’un système relationnel de contrôle progressif par l’un des partenaires sur l’autre【Stark, 2007】.
Le PDC permet d’analyser comment s’installe, se consolide et se renforce une position dominante dans la relation conjugale au fil du temps, en tenant compte de dimensions individuelles, interactionnelles, sociales, culturelles et institutionnelles. Il s’ancre dans une approche écosystémique et repose sur une lecture genrée des rapports sociaux, indispensable à la compréhension de la spécificité des violences faites aux femmes dans le cadre conjugal.
Objectifs du modèle
Le modèle poursuit trois objectifs principaux :
- Outiller les professionnel·le·s pour qu’ils et elles puissent disposer d’un cadre structuré d’analyse.
- Favoriser l’évaluation de la criticité des situations, c’est-à-dire le repérage des facteurs de danger, de vulnérabilité et de potentiel d’aggravation.
- Contribuer à l’émergence d’un langage commun entre les acteurs de première ligne, les intervenants spécialisés, les services de police, justice, santé, etc., facilitant ainsi le travail en réseau et la fluidité des interventions.
Dans cette perspective, le modèle se distingue des approches purement événementielles (centrées sur les actes de violence), pour proposer une lecture processuelle : la violence conjugale est envisagée comme un processus relationnel complexe, qui s’intensifie progressivement dans ses fréquences, ses variétés et ses amplitudes.

Un modèle au cœur de la mission du Pôle
Le Pôle de ressources spécialisées en violences conjugales et intrafamiliales, en Fédération Wallonie-Bruxelles, s’est constitué autour de l’appropriation de ce modèle québécois. Depuis près de 20 ans, le Pôle est mandaté par les pouvoirs publics pour assurer la formation des professionnel·le·s de tous les secteurs : social, psycho-médical, judiciaire, police, jeunesse, etc.
À ce jour, plus de 10 000 professionnel·le·s ont été formé·e·s au PDC, ce qui en fait un socle fondamental de la pratique en matière de violences conjugales en Belgique francophone. L’outil a permis de :
- Structurer les interventions cliniques et sociales autour d’une grille d’analyse partagée ;
- Renforcer la coopération interinstitutionnelle et la réactivité face aux situations critiques ;
- Instaurer un référentiel commun, facilitant la concertation dans les cas de situations critiques ;
- Favoriser une compréhension conjointe du contrôle coercitif, désormais reconnu légalement en Belgique comme une forme spécifique de violence psychologique et sociale【Loi du 13 juillet 2023 – Stop Féminicides】.
Une théorie dynamique et systémique
Le Processus de domination conjugale prend en compte toutes les formes de violences ainsi que la notion de contrôle coercitif.
Il met en avant les différentes stratégies de contrôle et les positionnements de protection, ainsi que les co-apprentissages qui en découlent.
L’outil prend également en compte les différents acteurs de la dynamique ainsi que les réseaux qui les entourent, et surtout, il visibilise la notion d‘écart d’intention.
« La violence dans le couple ne se réduit pas à un acte isolé mais est un processus relationnel complexe ».


Lien fondamental avec le contrôle coercitif
Le Processus de Domination Conjugale intègre pleinement les composantes du contrôle coercitif. Il en partage le postulat : la domination ne s’installe pas uniquement par la violence physique, mais par un ensemble de stratégies souvent invisibles qui visent à soumettre, isoler, appauvrir et briser psychologiquement la victime. Les phases identifiées dans le PDC — telles que la mise sous tension, l’agression, la dénégation, la réconciliation, ou encore la stratégie de justification — résonnent profondément avec les mécanismes du contrôle coercitif : micro-régulation de la vie quotidienne, privation de ressources, détournement cognitif, punition implicite, humiliation progressive, etc.
Cette articulation entre les deux modèles permet de renforcer la compréhension des violences invisibles et d’en mesurer l’intensité évolutive, au-delà des simples actes ponctuels.